Voyez-vous ces organismes que l’on retrouve sur les arbres ou les roches et qui ressemblent à de la mousse ? Ils se parent de couleurs attrayantes du jaune au vert en passant par le brun-rouge. Et malgré ces couleurs, ils passent souvent inaperçus vu leur taille réduite voire microscopique.
Mais au fait qui sont les lichens ? Ils ne sont ni végétaux ni animaux. Ils sont une association de champignons et d’algues vivant en pure symbiose : les uns ne pouvant vivre sans les autres. L’algue apporte les matières organiques par la photosynthèse, le champignon, quant à lui, apporte les éléments minéraux et la capacité de rétention de l’eau – il est donc le plus déterminant dans la morphologie de ce couple inséparable !
Les humains ont utilisé les lichens comme aliment à travers les âges et durant les périodes de pénurie, même si leurs qualités gustatives sont loin d’être évidentes. Beaucoup d’espèces de lichens contiennent un haut taux d’acidité et se révèlent trop amères.
Toutefois, certaines, comme les usnées, sont comestibles et utilisées dans des recettes ancestrales ou lors de disette. Le lichen des rennes (Cladonia rangiferina) sert de base alimentaire aux animaux et aux populations locales du Grand Nord. Le renne métabolise en effet le lichen grâce à une enzyme appelée ‘lichénase’, ce qui lui apporte de la chaleur par sa fermentation dans l’estomac ainsi que des glucides. Les lapons tirent du lichen d’Islande (Cetraria islandica) une farine destinée à la pâtisserie ou en faisant un gruau spécial disette. Les oreilles de roches (Umbilicaria esculenta) sont très courues en Asie où elles sont dégustées en garniture, après avoir été séchées, bouillies, assaisonnées et finement découpées. La « manne du désert » qui sauva les Hébreux de la famine était en fait constitué du lichen Lecanora esculenta, qui constitue une source de nourriture dans les écosystèmes nord-africains et asiatiques. En Amérique du sud (et notamment en Equateur), un lichen est utilisé en infusion afin de provoquer des hallucinations lors de rituels chamaniques destinés à jeter des malédictions. En Amérique du Nord, c’est le lichen « crin-de-cheval » (Bryoria fremontii) qui fut utilisé comme ressource alimentaire par les premiers habitants de la côte ouest.
Les nouvelles tendances en cuisine mettent à l’honneur les lichens. Et particulièrement sous l’influence de la cuisine scandinave et asiatique. Il fallait y penser ! Mais savez-vous que la plupart des lichens d’Europe qui sont servis dans les restaurants proviennent en direct de l’estomac de rennes ? Et oui, les lichens prédigérés sont apparemment plus doux ! Envie de gouter ? Autre alternative nettement plus appétissante : tremper les lichens comestibles dans l’eau, si possible courante (rivière, ruisseau, source), ce qui permet d’en atténuer l’acidité.
Vous l’aurez compris, l’usage alimentaire du lichen reste très ponctuel et permet surtout de remplacer certains ingrédients ou de servir d’aliment de survie, notamment dans les contrées nordiques. Le lichen est ce qui persiste quand presque toute trace de vie a disparu dans l’hiver perpétuel des pôles et de la haute montagne. C’est pourquoi les usages culinaires de cet étrange vivant mi-végétal mi-champignon étaient restreints aux contrées les plus éloignées ou aux peuples primitifs. De nos jours, ils sont recherchés pour décorer les mets ou apporter une touche boisée à certains ingrédients.
En Belgique, on compte très peu d’espèces comestibles. Le lichen des rennes est encore présent, mais à de très très rares endroits. Cette espèce est protégée par Natura 2000. Sa cueillette est donc strictement interdite en Belgique. La seule espèce comestible que vous pourriez récolter afin d’assouvir votre curiosité culinaire est présente dans des zones préservées de pollution au sein des lisières ensoleillées (notamment de prunelliers et autres arbustes de la fruticeae). Elle est cependant comestible moyennant plusieurs préparations et précautions importantes. Il s’agit de l’évernie (Evernia prunastri) (Photo) appelée également « mousse de chêne ». Ce lichen en forme de buisson minuscule pend à des branches d’arbres et d’arbustes et a des ramifications en forme de lanière (et donc pas cylindriques) qui sont bicolores, vert au-dessus et blanc en-dessous.
Pour sa préparation, ce lichen sera comestible après avoir été débarrassé de ses acides lichéniques allergisants. Cela nécessite soit des périodes de trempages répétés et un passage en eau bouillante, soit plusieurs passages en eau bouillante. Les lichens se dégustent toujours cuits.
Saviez-vous que les lichens sont des supers concentrateurs de polluants de l’air ? Ils n’ont pas de système vasculaire et leur ‘peau’ capte tous les éléments présents dans l’air – bon et moins bons. Encore une bonne raison de se méfier et vérifier la provenance des thalles qui est la partie végétative d’un lichen. Veillez donc à récolter des évernies d’arbres ou de haies protégées de toute pollution de l’air.
Le lichen a beaucoup à nous apprendre sur la lenteur. Il pousse en moyenne d’un millimètre par an. Imaginez un thalle de quelques centimètres dans votre assiette : nous vous laissons compter son âge ! Cueillez-en donc de petites quantités.
Toutes les autres espèces sont difficiles à digérer, voire toxiques (c’est au moins le cas de tous les lichens à couleur jaune-orange). Soyez donc prudents!
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